Quand le Qatar s’invite dans les crises africaines

L’émirat pétrogazier se déploie de plus en plus au sein de nombreux pays en proie aux conflits, fort de sa richesse quasiment inépuisable transformée en véritable levier d’action.

Après de nombreux rendez-vous précédents manqués, le Qatar a réussi le 18 mars dernier, ce que d’aucuns pensaient impossible : faire asseoir autour d’une même table et dans le cadre d’une discussion sur la crise à l’est de la RDC, le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame.

Cet échange conduit par l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani en personne, alors que les relations entre ses deux hôtes sont notoirement tendues, particulièrement depuis la prise par les rebelles du M23 proches de Kigali, des deux régions stratégiques du théâtre de la guerre, Goma et Bukavu, a beaucoup fait réagir au sein de l’opinion.

Certains – à l’instar de l’Angola jusqu’alors médiateur officiel dans ce conflit pour l’Union africaine – ont ainsi regretté de voir deux dirigeants du continent incapables une fois de plus de laver leur linge sale en famille. En effet, au moins deux rencontres prévues à Luanda, la capitale angolaise, entre Tshisekedi et Kagame avaient été précédemment annulées.

D’autres, plus fins et sarcastiques, comme l’humoriste nigérien Mamane, connu pour ses chroniques assassines sur RFI, ont fait valoir que l’empressement des deux dirigeants africains à répondre à l’invitation de Doha n’obéissait qu’aux espèces sonnantes et trébuchantes.

Une diplomatie grandissante et généreuse

Il y a sans doute du vrai dans ces deux points de vue. En effet, la stratégie de médiation africaine du Qatar, partie intégrante de sa politique étrangère, s’est élargie ces dernières années, passant du Darfour au Tchad, sans oublier le Mali ansi que le Niger.

Une stratégie centrée sur la prise d’initiative. Doha ayant décidé d’offrir lui-même ses services à travers Mohammed Bin Abdulaziz Al-Khulaifi, le ministre d’État aux Affaires étrangères, et des services de renseignements extérieurs.

Surtout, le pays du Golfe sait compter sur un de ses principaux atouts : les ressources financières. Timan Erdimi, ancien rebelle tchadien, a ainsi pu bénéficier de la générosité des autorités qataries en contrepartie de l’adoucissement de ses attaques contre le pouvoir de l’ancien président Idriss Deby Itno.

Impliqué dans plusieurs projets en RDC et au Rwanda (financement d’aéroport à Kigali et de rénovations aéroportuaires à Kinshasa et Kigali, par exemple), le Qatar dispose donc de plusieurs leviers d’action susceptibles d’infléchir les positions dans le cadre du conflit entre Kagame et Tshisekedi.

Des revers et une quête de professionnalisation

Reste que les faveurs de la monarchie pétrolière ne séduisent pas tout le monde sur le continent. Au Tchad, les relations se sont brusquement détériorées après que Doha a conseillé à Mahamat Idriss Déby de ne pas se présenter à l’issue de la transition politique, d’après Le Monde.

Au Niger, l’émirat n’est pas parvenu à obtenir la libération du président Mohamed Bazoum, toujours détenu par les militaires après son renversement en juillet 2023. Les autorités maliennes de transition ont quant à elles opposé une fin de non-recevoir à l’offre de médiation entre Bamako et les rebelles de l’Azawad.

Les observateurs soulignent par ailleurs auprès du Monde, que Doha cherche à combler ses lacunes en termes d’expertise sur les réalités africaines à travers la négociation des partenariats avec la Suisse et l’Union européenne pour monter en compétence, et la cooptation de personnalités issues du continent.


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