Le fiasco sahélien des renseignements français

Un rapport parlementaire révèle à quel point la France a été prise au dépourvu concernant les tenants et les aboutissants de son isolement progressif au Sahel ces dernières années.

Face à la vague récente de coups d’État intervenus en Afrique, du Mali au Burkina Faso en passant par le Niger, les services secrets français se sont montrés incapables de détecter les signaux avant-coureurs. Tel est le verdict froid et sans concession d’une analyse de la situation par le haut-commandement du renseignement tricolore.

Celui-ci a en effet dressé, dans un nouveau rapport estampillé confidentiel et consulté par l’hebdomadaire Le Point, l’état des lieux de l’espionnage à la française sur le continent ces dernières années.

Il ressort de ce document d’une centaine de pages, produit par la délégation parlementaire au renseignement, que la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et la DRM (Direction du renseignement militaire) n’ont pas su anticiper les bouleversements intervenus dans la région sahélienne.

Un constat d’échec d’autant plus préoccupant que Paris en sort affaibli, perdant notamment de son influence dans ce qui était autrefois considéré comme le « pré-carré » de l’ancien colonisateur au profit de puissances telles que la Russie, la Chine ou la Turquie.

Des échecs révélateurs

« Le capitaine Traoré, on ne l’a pas détecté », avoue ainsi selon Le Point, le responsable d’un des services de renseignement aux parlementaires, en référence au putsch dans le putsch intervenu en septembre 2022 sous la houlette du capitaine Ibrahim Traoré.

Ce dernier a en effet renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le bourreau du président démocratiquement élu Roch Marc Christian Kaboré, huit mois plutôt. Ce fut presque le même scénario quelques mois auparavant au Mali, lorsque le 24 mai 2021, le colonel Assimi Goïta déploie les armes contre le président de transition Bah N’Daw.

D’après les auteurs du rapport, malgré les informations concordantes à disposition de la DGSE en amont sur les intentions putschistes, celles-ci n’ont pas pu être exploitées efficacement.

Last but not least, les services français n’ont rien vu venir lorsque le général Abdourahamane Tiani, commandant de la garde présidentielle, a déposé en juillet 2023 au Niger, le président Mohamed Bazoum, lequel est d’ailleurs toujours détenu par les putschistes.

Des facteurs structurels et conjoncturels

Ces défaillances successives découlent de plusieurs facteurs structurels et conjoncturels. Le document parlementaire révèle un échec du renseignement humain, particulièrement au niveau des échelons intermédiaires et subalternes des « forces armées partenaires ».

La « spontanéité » de certains événements, comme au Niger où les putschistes eux-mêmes n’avaient apparemment pas planifié leur coup d’État, a également compliqué la détection préalable.

Par ailleurs, le retrait progressif des forces françaises de la région a considérablement réduit les capacités de collecte de renseignements sur le terrain, créant des angles morts informationnels.

Enfin, le dilemme éthique et diplomatique face à d’éventuelles informations sur des coups d’État imminents – intervenir ou respecter la souveraineté des États concernés – a parfois paralysé la chaîne décisionnelle française, même lorsque des signaux faibles étaient détectés.


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