
L’intégration commerciale intra-africaine devient d’autant plus cruciale que le continent se trouve vulnérable face à l’offensive tarifaire américaine qui bouleverse les équilibres mondiaux.
« La leçon à retenir est que nous sommes seuls en tant que continent ». Face à « l’instrumentalisation de la politique commerciale, de la politique d’investissement et du nationalisme » ambiant, le constat de Wamkele Mene, secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), est sans équivoque : il faut s’unir en Afrique sous peine de subir collectivement les conséquences.
Le message est d’autant plus pressant que Donald Trump, principal artisan du bouleversement géopolitique actuel, semble prendre un malin plaisir à s’en prendre aux États les plus fragiles ou les plus pauvres.
Le Lesotho, pays dont le président américain dit que « personne n’a jamais entendu parler », s’est ainsi vu imposer des droits de douane de 50% – les plus élevés au monde – par les États-Unis.
Causant la détresse d’une industrie textile dépendante des exportations américaines grâce notamment à l’AGOA, programme d’accès hors-taxe au marché américain, dont jouissait cet État enclavé d’Afrique australe.
Une intégration continentale encore fragile
Conséquence : le Lesotho a déclaré un état de catastrophe nationale en raison des « taux élevés de chômage des jeunes et des pertes d’emplois » causés par l’incertitude entourant les tarifs. Dans ce contexte, la Zlecaf apparaît plus que jamais opportune.
Conçue pour unifier 1,4 milliard d’Africains de plus de 50 nations en un marché unique, elle constitue l’un des projets d’intégration économique les plus ambitieux au monde, avec un potentiel de hausse de 81% des exportations intra-continentales de l’Afrique – contre 16 % actuellement –, selon la Banque mondiale.
Malgré ces promesses et une ratification légale par 49 pays, seulement 24 d’entre eux commercent officiellement sous le cadre de la Zlecaf, et moins de la moitié des États membres participent activement aux échanges sous ce nouveau framework, d’après Reuters.
Cette lenteur s’explique par de multiples obstacles structurels, particulièrement prononcés dans les petites économies subsahariennes, « davantage vulnérables aux chocs externes et souvent dépourvues de capacités administratives et financières », selon Raheema Parker d’Oxford Economics, interrogé par l’agence de presse.
De nombreux goulots d’étranglement
Ces pays craignent également d’ouvrir leur marché à leurs pairs plus développés, risquant de voir leurs marchés inondés par des produits étrangers, même africains. Le défi infrastructurel reste chronique malgré 65 milliards de dollars investis collectivement par la Banque africaine de développement et Afreximbank depuis 2020. Une goutte d’eau face au déficit annuel estimé à plus de 100 milliards de dollars.
Bill Blackie, PDG de Standard Bank basée à Johannesburg, ne mâche pas ses mots auprès de Reuters : « Sans ponts renforcés et liaisons ferroviaires plus rapides, la Zlecaf restera une promesse sur papier ».
La question monétaire complique davantage la situation, alors que près des deux tiers des paiements entre les plus de 40 devises africaines transitent encore par des corridors en dollars, exposant le continent aux volatilités et aux frais élevés du système financier américain.
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