Nigéria : vers l’adoption d’une taxe sur les superprofits bancaires

Photo de Joel Filipe sur Unsplash

Le Nigeria envisage d’instaurer une nouvelle taxe de 50% sur les superprofits bancaires réalisés à travers les de gains de change de devise. Cette mesure fiscale permettra de renflouer les caisses de l’Etat et de financer des projets de développement, dans un contexte de fortes tensions de trésorerie. Mais elle divise le secteur bancaire.

Le Parlement nigérian a adopté, le 23 juillet 2024, une série d’amendements sur la loi de finances sur proposition du gouvernement. Ces amendements prévoient l’instauration d’une nouvelle taxe d’au moins 50% sur les superprofits réalisés par les banques à travers les gains de change de devise.

Les banques ont profité de la dévaluation du naira pour faire des superprofits

Le président Bola Tinubu, qui fait actuellement face à une crise sociale, a expliqué que ce nouvel impôt vise à mobiliser 6,2 trillions de naira (4 milliards de dollars) pour le budget de 2024. Cet argent devrait servir à financer des projets de développement, dont des infrastructures, dans un contexte de fortes tensions de trésorerie. L’Etat nigérian rappelle que les banques ont largement profité de la dévaluation du naira.

Les banques sont effectivement les seules entreprises à avoir surfé sur la chute de la devise nationale. En effet, tandis la plupart des secteurs ont vu leurs chiffres d’affaires fondre, comme la téléphonie (MTN, par exemple) et l’agroalimentaire (Nestlé, Dangote Sugar, etc.), les établissements bancaires ont enregistré des bénéfices nets en convertissant les actifs en dollars en naira.

La Banque centrale du Nigeria essaie de stabiliser le naira

Selon Moody’s, les cinq principales banques du Nigeria ont vu leur marge bénéficiaire bondir de 95% en 2023. De plus, la rentabilité des prêteurs nationaux s’est fortement renforcée du fait de la hausse des taux d’intérêts dans le sillage du resserrement de la politique monétaire. Guaranty Trust Bank, le plus grand prêteur du pays, a ainsi triplé son bénéfice net l’année dernière pour atteindre 334,4 millions de dollars.

Il y a quatre mois, la CBN, la Banque centrale nigériane, a instruit aux banques de ne pas se servir de leurs gains de réévaluation des changes pour payer les dividendes ou financer les dépenses d’exploitation, en vain. En juillet, l’institution a volé au secours du naira en difficulté en vendant 148 millions de dollars de devises à des négociants agréés. Elle a également acheté des devises étrangères d’une valeur de 9,5 millions de dollars auprès de courtiers. Ces opérations visent à améliorer la liquidité du marché et aider à stabiliser la monnaie nationale.

Le monde bancaire divisé sur la taxe sur les superprofits

Dans le détail, la CBN a vendu ses dollars à un prix compris entre 1 510 et 1 530 nairas. Aujourd’hui, la devise nigériane se négocie à environ 70% de moins par rapport au dollar…Abuja tente à nouveau de redresser le barre avec la taxe sur les superprofits bancaires, qui divise le secteur bancaire. Tony Elumelu, président de United Bank for Africa (UBA) a déclaré à sa sortie d’une rencontre avec le président Bola Tinubu qu’il soutenait cet impôt.

Femi Otedola, président de FBN Holding, s’est dit également favorable à cette mesure. Il a même critiqué « la culture de l’ostentation » de certains PDG de banques, qui possèdent notamment des jets privés. Il appelle ses pairs à ne pas privilégier « le gain personnel au détriment de leur devoir envers les actionnaires et les clients ».

Cette taxe sur les superprofits ferait courir de nombreux risques aux banques

Mais la taxe sur les superprofits bancaires inquiète aussi, en particulier l’agence de notation Moody’s et l’association des dirigeants de banques nigérianes. Celle-ci exprime une certaine réserve sur son opportunité. D’après cette organisation, seulement 10% des gains de change rapportés sont réellement réalisés. Ainsi, cet impôt ferait courir des risques aux banques. Il aurait principalement un impact négatif sur la trésorerie, les capacités de remboursement des prêts et les besoins en capitaux. L’association promet une communication officielle sur le sujet après son assemblée générale du 12 août.


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