Terrorisme : l’Afrique de l’Ouest, un terreau fertile ?

Une carte de l'Afrique de l'Ouest.

 

Dans une étude édifiante, intitulée « L’Afrique de l’Ouest face au risque de contagion djihadiste », publiée le 20 décembre et relayée par Le Point, International Crisis Group apporte un nouvel éclairage sur la situation particulière de l’Afrique de l’Ouest dans la stratégie des mouvements djihadistes. Compte tenu de son contexte socio-politique, cette région du continent pourrait représenter un terreau fertile à l’implantation du terrorisme.

La situation sécuritaire au Burkina s’est dégradée à une vitesse grand V

International Crisis Group (ICG) souligne que «  L’expansion des militants islamistes au Sahel, en particulier au Burkina Faso, préoccupe de plus en plus les États côtiers d’Afrique de l’Ouest. Leurs dirigeants craignent que les militants ne puissent utiliser le Burkina comme rampe de lancement pour des opérations plus au sud. ». En effet, il faut rappeler que « le pays occupe une position centrale, reliant le Sahel aux pays côtiers et partageant des frontières avec quatre d’entre eux : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo ». Dès lors, le Burkina Faso entretient des relations historiques, humaines, économiques et politiques particulières avec ses voisins méridionaux. Tout cela en fait une porte ouverte sur le golfe de Guinée, un point stratégique.

A cause de sa position géographique, le Burkina fait face ces derniers mois à de nombreuses attaques de divers groupes terroristes (Al-Qaïda au Maghreb islamique, Ansar Dine, le Mujao et l’État islamique dans le Grand Sahara). D’après International Crisis Group, la situation sécuritaire s’est dégradée à une vitesse grand V. Tous les signaux venants du pays des Hommes intègres sont au rouge. Ce week-end encore, quatorze personnes ont été tuées dans l’explosion d’un car dans le nord-ouest du pays entre la localité de Toéni et la ville de Tougan.

Plus aucun Etat n’est à l’abri

Les nombreuses attaques ont conduit le gouvernement, fin décembre, à proroger l’état d’urgence d’un an dans six de ses treize régions. « Les zones concernées restent les mêmes, à savoir les quatorze provinces réparties dans les régions de la boucle du Mouhoun, du Centre-Est, de l’Est, des Hauts-Bassins, du Nord et du Sahel », avait précisé Remis Dandjinou le porte-parole du gouvernement.

Depuis le Sahel, les djihadistes ont aussi opéré plus au sud, notamment au Bénin, où a eu lieu l’enlèvement de deux touristes français le 1er mai 2019, a priori par des bandits qui auraient cherché à les revendre à des groupes djihadistes. Trois ans plutôt, en mars 2016, la Côte d’Ivoire a subi sa première attaque terroriste à Grand-Bassam, qui a fait 22 morts. Ce drame montre qu’aucun pays d’Afrique de l’Ouest ne se trouve à l’abri du fléau djihadiste. Encore moins le Nigéria, qui a du mal à en finir avec la secte islamiste Boko Haram.

C’est dans le chaos que prospère le terrorisme

C’est dans ce contexte que s’annoncent de nombreuses opérations électorales en 2020. Particulièrement la présidentielle en Côte d’Ivoire, où tous les ingrédients sont réunis pour rendre la contestation très violente. Or « Les militants (islamistes) agissent souvent plus par opportunisme ou en exploitant les désordres qu’en suivant une stratégie élaborée. La force de ces groupes armés pourrait donc naître de la fragilité même des États côtiers », avertit International Crisis Group.

Pour juguler le terrorisme, la région envisage, via la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de lancer des opérations militaires de grande envergure, d’un coût d’un milliard de dollars. Parallèlement, Paris pousse ses alliés européens à s’impliquer davantage. Une nouvelle unité de forces spéciales européennes doit être déployée au Sahel en 2020. Mais cette accélération militaire ne convainc pas les auteurs du rapport d’International Crisis Group. Ces derniers préconisent de colmater d’abord les failles internes de plusieurs pays qui pourraient se retrouver à leur tour fragilisés sur le plan sécuritaire dans les prochains mois. Cela passera par la promotion de valeurs démocratiques, par l’instauration de la justice et par la transparence dans la gouvernance afin de ne pas faire des frustrés, des recrus potentiels du terrorisme.

Intensifier la coopération entre les services de renseignements

L’International Crisis Group estime aussi qu’« au lieu d’accélérer les opérations militaires, les États côtiers devraient se concentrer sur le partage de renseignements et le renforcement des contrôles aux frontières. » Il importe en outre que « la CEDEAO et ses partenaires internationaux, en particulier l’Union européenne et la France, intensifient leurs efforts diplomatiques pour prévenir les crises électorales potentiellement violentes, qui pourraient menacer la stabilité de ces pays au même titre que les groupes djihadistes, et créer pour ces derniers un terrain fertile », analyse Crisis Group.


Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*