Le cacao africain face au défi vert européen

À la veille de l’entrée en vigueur de la réglementation visant à bannir l’importation de produits issus de la déforestation, de nombreux pays africains et d’ailleurs ne sont toujours pas prêts.

Finir l’établissement des systèmes de traçabilité complets des fèves de cacao, géolocaliser précisément toutes les parcelles : les tâches à accomplir d’ici 2025 pour se conformer au Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) semblent titanesques pour les producteurs de cacao.

Ces pays au nombre desquels figurent : la Côte d’Ivoire, le Ghana ou encore le Cameroun ne sont tout simplement pas prêts pour cette réglementation et l’ont ainsi fait savoir lors d’une récente rencontre à Abidjan, la capitale ivoirienne, siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO).

L’Ivoirien Aly Touré, porte-parole des exportateurs, n’a pas mâché ses mots, dénonçant selon des propos rapportés par le journal Le Monde, des délais « irréalistes » et un système de traçabilité « toujours pas opérationnel à moins de cent jours de la date de mise en œuvre ».

Beaucoup de retards à combler

En effet, plusieurs retards restent à combler alors que la date butoir se rapproche. Par exemple, Seules 800 des 2.000 coopératives prévues par la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, ont pour l’instant été agréées dans le Système National de Traçabilité (SNT).

Abidjan estime par ailleurs « manquer de lisibilité » à propos des modalités d’utilisation concrète du SNT. Des questions se posent par ailleurs quant à la fourniture des données de géolocalisation nécessaires par des petits planteurs isolés, souvent illettrés en Afrique, tout en respectant le RGPD ?

Quelle sera la contribution concrète des pays dans les mécanismes de vérification ? Face à tous ces inconnus, les pays producteurs demandent un sursis de deux ans le temps de mettre en place un cadre de concertation renforcée entre toutes les parties prenantes.

Entre durabilité et survie économique

En vain. Puisque Bruxelles n’a pu consentir qu’un délai supplémentaire de 12 mois. Serait-ce suffisant pour transformer en profondeur une filière ancrée dans des pratiques séculaires ? Si l’intention de l’Union européenne de préserver les forêts tropicales et de lutter contre le changement climatique est louable, elle place les pays producteurs dans une situation délicate.

Comment en effet concilier les exigences environnementales avec la réalité économique de millions de petits planteurs qui dépendent du cacao pour leur survie ? Le débat ne fait que commencer, et il promet d’être houleux. D’autant que le sursis accordé doit encore être avalisé par le Conseil et le Parlement européen.

Quoi qu’il en soit : l’industrie du cacao africain est à la croisée des chemins. Elle doit réinventer son modèle pour conjuguer durabilité environnementale et productivité. À la fois un immense défi et une opportunité unique de construire une filière sans doute plus résiliente.


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