L’Afrique veut rompre sa dépendance aux agences de notations étrangères

L’Union africaine finalise un projet d’agence de notation continentale dans l’objectif de reprendre le contrôle de la réputation financière des pays de la région.

En tant qu’Africains, vous connaissez sans doute Moody’s, Fitch ou Standard & Poor’s (S&P), voire ce trio dans son ensemble. Mais vous ignorez probablement l’existence de l’Afcra (Agence africaine de notation de crédit), qui doit jouer le même rôle que ces trois géants.

Cette méconnaissance pourrait toutefois bientôt changer. C’est du moins l’espoir nourri par l’Union africaine (UA), à l’origine de cette agence dite panafricaine, dont le lancement est désormais prévu pour septembre prochain après un premier report.

Piloté par le MAEP (Mécanisme africain d’évaluation par les pairs), cet organe de l’UA chargé du suivi des notations financières, le projet vise à libérer l’Afrique du « joug » des trois agences américaines, selon certains observateurs.

En effet, ces « Big Three », qui contrôlent à eux seuls 95% du marché mondial, ont vu leur crédit s’éroder sur le continent africain ces dernières années en raison de leurs évaluations controversées.

Des exemples révélateurs

Dernier exemple en date : le 4 juin, Fitch a dégradé la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) à BBB- avec perspective négative, invoquant les difficultés financières de plusieurs États membres emprunteurs, notamment le Ghana, la Zambie et le Soudan du Sud.

Cette décision, jugée « faussée » par le MAEP, est accusée d’ignorer les arrangements institutionnels qui encadrent les relations entre la banque et ses États membres. Plus largement, les dirigeants africains ne mâchent plus leurs mots.

« Les agences de notation mondiales ne nous ont pas seulement joué un mauvais tour, elles ont aussi délibérément laissé tomber l’Afrique« , dénonçait le président kényan William Ruto en février dernier.

Cette colère s’appuie sur des chiffres éloquents. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), des notations plus objectives permettraient aux pays africains d’économiser près de 75 milliards de dollars par an.

Le défi de la confiance

« À quoi servent ces agences en Afrique ? Et, surtout, pourquoi sont-elles toujours promptes à punir, jamais à prévenir ? », s’interrogeait la journaliste Aurélie M’Bida dans un éditorial cinglant publié le 2 juin dernier sur Jeune Afrique, citant l’exemple sénégalais.

Ce pays, récemment accusé d’avoir maquillé ses comptes, a vu sa notation s’effondrer sur les marchés financiers – sanctionné par les mêmes agences qui l’encensaient auparavant. Le défi reste néanmoins colossal pour l’Afcra, car une agence crédible ne se décrète pas.

« Pourquoi créer une nouvelle structure plutôt que de renforcer les agences privées africaines existantes ? », s’interroge Stanislas Zézé, patron de l’agence ivoirienne Bloomfield Investment Corporation. « L’Afcra sera une institution indépendante, pilotée par le secteur privé. Aucun gouvernement africain ne figurera dans son actionnariat », assure Misheck Mutize, expert au sein du MAEP.


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