
L’ouvrage titanesque est désormais en place sur le Nil Bleu après 14 ans de travaux, cristallisant autant les espoirs de développement que les craintes diplomatiques dans la Corne de l’Afrique.
La retransmission en direct à la télévision nationale, le 9 septembre dernier, de la cérémonie d’inauguration du grand barrage de la Renaissance (GERD) témoigne de l’importance stratégique de cette infrastructure.
Au-delà de l’Éthiopie, la présence de nombreux dirigeants régionaux – notamment du Sud-Soudan, de Djibouti, de Somalie, du Kenya et d’Eswatini – souligne l’enjeu continental que représente ce mégaprojet pour toute la Corne de l’Afrique.
Érigé sur le Nil Bleu, ce colosse de béton et d’acier s’impose désormais comme le plus grand ouvrage hydroélectrique d’Afrique. Avec ses près de deux kilomètres de largeur, ses 170 mètres de hauteur et une capacité de rétention de 74 milliards de mètres cubes d’eau, le GERD incarne bien plus qu’une simple prouesse technique.
C’est le symbole d’une ambition nationale pour un pays – l’Éthiopie – où 45% des 130 millions d’habitants n’ont toujours pas accès à l’électricité. Un motif d’espoir pour une nation qui a connu une guerre civile dévastatrice il y a seulement trois ans et qui continue de faire face à des troubles intérieurs.
Des ambitions économiques régionales
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed n’a d’ailleurs pas caché sa fierté lors de la cérémonie, qualifiant le barrage de « grande réussite pour toutes les personnes noires ». Le gouvernement d’Addis-Abeba s’est fixé pour objectif de porter le taux d’accès national à l’électricité de 54 actuellement à 90% d’ici 2030.
Au-delà de l’approvisionnement domestique, l’Éthiopie nourrit des ambitions de puissance économique régionale. Le barrage devrait permettre au pays de devenir un exportateur majeur d’électricité vers ses voisins de la Corne de l’Afrique.
De quoi générer une source de revenus substantielle pour l’État. Cette fierté nationale se heurte toutefois à de vives inquiétudes en aval du Nil. Le Soudan et l’Égypte, deux pays dont la survie dépend des eaux du fleuve légendaire, craignent que le barrage n’affecte gravement leurs approvisionnements en eau, particulièrement en période de sécheresse.
Un foyer de tensions diplomatiques
« Quiconque pense que l’Égypte fermera les yeux sur ses droits en matière d’eau se trompe« , a ainsi récemment lancé le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, comme le rappelle Le Monde. Le Soudan a également exprimé ses propres préoccupations.
Malgré plusieurs rounds de négociations au fil des années entre les trois pays, aucun accord contraignant n’a été signé. Les accusations continuent de fuser et les relations demeurent tendues. Les autorités éthiopiennes maintiennent cependant que le projet, financé entièrement par le gouvernement et les contributions publiques, ne portera pas préjudice aux pays en aval.
Pour celles-ci, le barrage représente avant tout une opportunité de développement pour des millions de citoyens vivant encore sans électricité. « Cela n’affectera en rien votre développement. Nous ne ferons de mal à personne », a pour sa part assuré Abiy Ahmed, en marge de l’inauguration.
Poster un Commentaire