Ces étrangers que le Gabon veut chasser

Le pays d’Afrique centrale érige la préférence nationale en doctrine dans plusieurs secteurs économiques et politiques, au risque d’être taxé de xénophobie.

Des commerçants sommés de fermer boutique, leurs marchandises renversées, sous les injonctions de groupes de jeunes scandant « Rentrez chez vous ». Bienvenue au Gabon où le mois d’août 2025 a fait resurgir des relents de xénophobie au sein de la population.

Désignés comme « accaparateurs » d’emplois et d’activités qui devraient être réservés en priorité aux nationaux, les étrangers sont pointés du doigt, parfois même confrontés à la vindicte populaire.

Parmi les communautés ciblées figurent les Béninois, mais aussi les Maliens, les Camerounais ou encore les Sénégalais, pour ne citer que ces nationalités. « On a tous vécu l’injustice qui se passait au Gabon, lorsque d’autres personnes venaient diriger notre pays », a ainsi affirmé l’influenceuse Tata Bertille sur TikTok.

Ce n’est pas la première fois que des tensions entre communautés éclatent au Gabon sur fond d’accusations de xénophobie. En mai 2023, le Sénégalais Ousmane Cissé a été contraint de renoncer à la direction de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg), en raison notamment de sa nationalité.

Oligui Nguema attise les flammes

Plus tôt, en 2015, c’est l’entourage de l’ancien chef de l’État Ali Bongo Ondimba, surnommé « Légion étrangère », qui avait été pris à partie. Parmi ses membres figurait notamment l’influent directeur de cabinet Maixent Accrombessi, né au Bénin et installé au Gabon dans les années 1990, accusé d’avoir mis la main sur un poste « éminemment politique, réservé aux seuls nationaux », selon les mots de l’ancien journaliste Jonas Moulenda.

« Dans les pays sérieux, on ne nomme pas des expatriés dans les instances décisionnelles de l’État », avait-il écrit dans une lettre ouverte. Cette même année 2015 fut marquée par l’incendie de l’ambassade du Bénin à Libreville.

Mais le sujet bénéficie cette fois de l’appui des plus hautes sphères de l’État gabonais, à commencer par le président putschiste Brice Clotaire Oligui Nguema, qui revendique la « préférence nationale » depuis son arrivée au pouvoir en 2023.

« La politique et l’administration dans un pays sont des domaines de la souveraineté nationale, le dire n’est nullement de la xénophobie », martelait-il le 4 septembre 2023 dans un discours destiné à flatter les bas instincts de cette frange de la population qui estime avoir été dépossédée des ressources nationales par les étrangers.

Une batterie de mesures protectionnistes

Début août 2025, au lendemain de la polémique du marché de Lambaréné, le Conseil des ministres a franchi un cap décisif en annonçant la révision « de la réglementation sur les métiers réservés aux nationaux afin d’en garantir l’exercice exclusif par les Gabonais ».

Le commerce de proximité, l’envoi d’argent non agréé, la réparation de téléphones et petits appareils, la coiffure et les soins esthétiques de rue, l’orpaillage artisanal, l’intermédiation informelle dans l’achat de récoltes, l’exploitation de petits ateliers et les machines de jeux sans enregistrement sont ainsi interdits aux non-Gabonais, d’après la porte-parole du gouvernement, Laurence Ndong.

Cette offensive s’inscrit dans une stratégie cohérente amorcée dès juin 2024 avec l’adoption d’un décret imposant des quotas stricts de main-d’œuvre étrangère. L’opération « Un jeune, un taxi », qui a vu la distribution de 800 véhicules exclusivement à des Gabonais entre 2024 et 2025, vise à « reprendre » aux immigrés un métier qu’ils dominaient. Même logique dans la pêche, où pirogues et filets sont réservés aux nationaux.

Mais c’est la nouvelle Constitution adoptée par référendum en novembre 2024 qui symbolise le mieux cette dérive nationaliste. En effet, pour être candidat à la présidence, il faut désormais avoir un parent gabonais né gabonais, parler une langue nationale, avoir un conjoint gabonais né d’un parent gabonais lui-même né gabonais, et avoir renoncé à toute autre nationalité au moins trois ans avant l’élection.


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