Au Burkina, la justice réduite au silence par la menace militaire

La junte militaire dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré multiplie les dérives en forçant notamment plusieurs magistrats à rejoindre les rangs de l’armée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Jusqu’où ira Ibrahim Traoré dans la répression des voix dissidentes ou perçues comme telles ? Après la chappe de plomb déployée contre les militants des droits civiques, les journalistes ou encore de simples citoyens soucieux de se prononcer sur la marche du pays, le militaire putschiste s’en prend désormais à la justice.

Sept magistrats ont ainsi été conviés, le 9 août dernier, par des « ordres de réquisition » émanant de la junte, à rejoindre une unité militaire basée à Kaya, au nord du pays, afin de « participer aux opérations de sécurisation du territoire », pendant « trois mois renouvelables ».

Le pays d’Afrique de l’Ouest en proie aux actes djihadistes, lutte pour espérer préserver ce qu’il en reste de zone sous contrôle des autorités officielles. À l’heure où les magistrats concernés restent introuvables, leurs proches s’inquiètent de leur sort.

Procédé d’écrasement

Il en est de même de leur corporation, qui crie à l’acharnement. L’intersyndicale de la magistrature dénonce, dans un communiqué publié le 15 août, des réquisitions ciblant des magistrats ayant ouvert des enquêtes contre des proches de la junte militaire.

« Ces réquisitions ne sont ni plus ni moins que des actes d’humiliation et d’intimidation des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions et, surtout, des actes de sabotage de l’autorité de la justice », fulminent les syndicats, regrettant une « justice à double vitesse ».

Ils rappellent par ailleurs que plusieurs décisions judiciaires ont d’ores et déjà déclaré par le passé, nulles ces réquisitions. C’est dire que le nouveau maître de Ouagadougou entend désormais soumettre toutes les institutions, y compris par la force.

Situation sans issue

« Ça montre que le régime se durcit et qu’il n’a pas plus aucune limite. On a atteint un seuil de non-retour, pour entrer dans une phase de répression tous azimuts », estime une source judiciaire burkinabè interrogée par Le Monde.

Il reste à savoir par quel moyen sortir de cette spirale autocratique qui s’étend depuis le coup d’État militaire de septembre 2022. Le régime pourtant acculé par le fléau djihadiste, n’a manifestement aucun mal à réprimer ses concitoyens.

Au grand dam d’une communauté internationale devenue aphone. Jusqu’à quand le peuple burkinabè va-t-il endurer un tel calvaire ?


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