La France dans la nasse au Mali

L’ancien colonisateur au-devant de l’intervention antijihadiste en cours dans le pays depuis 2013, est accusé de bavure par une enquête de l’ONU. En cause, une offensive censée cibler des combattants armés, mais qui aurait en réalité fait 19 morts civils en janvier dernier dans une région du centre du Mali.

La France fait à nouveau parler d’elle au Mali, et pas pour de bonnes raisons. Paris est en effet accusé par un rapport de la Mission de l’ONU sur place (Minusma) d’avoir tué 19 civils lors d’une intervention armée antijihadiste le 3 janvier dernier à Bounti, à plus de 600 km de la capitale Bamako.

Ce jour-là, une frappe aérienne retentit au milieu d’une foule identifiée par les forces françaises comme étant des jihadistes. L’opération se solde par la mort d’une trentaine de combattants armés, selon l’État-major français qui se réjouit d’avoir neutralisé des membres d’une filière liée au groupe islamiste Al Qaïda. Mais cette version est aussitôt contestée par une frange importante de la population locale. Cette dernière assure notamment que la foule ciblée par les bombardements de l’armée française n’était terroriste. Il s’agissait plutôt, selon des témoignages recueillis sur place par la presse et des organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, de gens rassemblés pour les besoins d’un mariage.

L’ONU accable Paris

Depuis, les deux versions contradictoires s’opposent sur le déroulé de cette journée du 3 janvier. Jusqu’à la publication mardi dernier, d’un document fondé sur de nombreux témoignages sur place et une expertise scientifique de l’ONU. Celui-ci met directement en cause l’armée française pour la mort de 19 civils. Pour la Minusma, les forces françaises n’ont pas seulement touché des jihadistes à travers leurs bombes comme le prétend l’État-major tricolore. S’il y avait bien quelques personnes armées prétendument affiliées à des groupes terroristes sur place, la majorité des gens présents était bien constituée de civils, appuie l’ONU, qui appelle Paris à faire la lumière sur cette affaire.

Mais la France ne l’entend pas de cette oreille. Sitôt le rapport évoqué par la presse, le ministère français des Armées s’est fendu d’un communiqué pour rejeter toute bavure lors de cette offensive de Bounti. Paris assure que ses renseignements faisant état d’un rassemblement de jihadistes étaient bons.

Ce n’est pas la première fois que l’opération antijihadiste Barkhane est accusée de faire des civils, des dégâts collatéraux de son intervention militaire de plus en plus décriée au Mali. Mais ce rapport de la Minusma soulève à nouveau nombre de questions sur les incidences d’une opération dont la population locale perçoit de moins en moins l’utilité.


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